Le Code, qui en est l'instigateur, accuse le chef de l'Etat de crimes contre l'humanité lors des émeutes de février 2008.
C'est
assurément un nouvel épisode dans le feuilleton à procès intenté ces
derniers temps devant les juridictions internationales contre le chef
de l'Etat camerounais, Paul Biya. Le mercredi 3 mars dernier, le
Collectif des organisations démocratiques et patriotiques de la
diaspora camerounaise (Code) a fait parvenir au procureur de la Cour
pénale internationale (Cpi), par l'intermédiaire de son conseil Me
Benkhelifa, une communication pour entamer une procédure d'enquête et
de qualification des massacres de février 2008 de "crimes contre
l'humanité".
Dans cette communication, le Code revient
d'entrée de jeu, avec force détails, sur le contexte et le déroulement
des émeutes de février 2008. "A l'approche de l'ouverture de la session
parlementaire, qui finira par se clôturer le 11 avril 2008 par la
révision forcée de la constitution, le climat général, économique et
politique, du pays se détériore. C'est dans ce contexte que, motivée
par la grève du secteur du transport, la population et notamment la
jeunesse décide d'exprimer clairement, par des manifestations et sur
toute l'étendue du territoire, son opposition à cette révision
constitutionnelle et son appel au régime à trouver des solutions pour
tous contre l'engrenage de la pauvreté extrême".
Selon le Code,
"bien que le gouvernement camerounais ne reconnaisse que 40 morts,
l'Observatoire national des Droits de l'Homme (Ondh) a établi un
rapport circonstancié de ces faits, en précisant bien que le chiffre
démontrable de 139 morts est un chiffre minimal. La réalité, selon les
indications d'autres organisations de la société civile, indique un
chiffre plus réaliste de plus de 200 morts". Pour les initiateurs de la
demande d'enquête contre Paul Biya, tous les éléments sont réunis pour
que la communication déposée auprès du procureur de la Cpi soit jugée
recevable. Même s'ils reconnaissent que le Cameroun n'a pas ratifié le
statut de Rome, et que de ce fait, la plainte envisagée n'a aucune
chance d'aboutir.
Toutefois, le Code brandit, entre autres
arguments, le fait qu'au moment du dépôt de la présente communication,
aucune enquête nationale n'a été réalisée, n'est en cours, et n'est pas
annoncée par l'Etat du Cameroun, qui a compétence en la matière. Bien
plus, le Code met en avant "le manque de volonté attesté par le refus
du gouvernement camerounais de fournir, y compris aux autorités des
Nations Unies, des éclaircissements sur ces événements, et cela depuis
plus de deux années".
Par ailleurs, soutient-il, de nombreuses
organisations de la société civile internationale et nationale, telles
que Amnesty International, le Code ou l'épiscopat camerounais, ont
exigé une commission d'enquête nationale sur ces tueries, sans aucune
suite de la part du gouvernement camerounais. "Une enquête doit être
menée par une autorité indépendante dans les plus brefs délais. En
effet chaque mois qui passe permet l'effacement et la perte définitive
de preuves. En matière de crimes aussi graves, l'enquête doit être
diligentée au plus vite", estime le Code.
Réplique
Ce
d'autant plus qu' "il est manifeste que l'armée a agi de manière
systématique à l'égard des populations civiles prises pour cible. Il
est tout aussi manifeste que le président de la République a conféré
aux forces de sécurité les pleins pouvoirs pour réprimer par tous les
moyens. Le discours du 27 février est de ce point de vue révélateur de
la responsabilité personnelle du président de la République. En effet,
dans ce discours (…), le président de la République prend simplement
acte des décès qui ont eu lieu et qui auront lieu, sans indiquer
d'aucune manière que ces tueries seront sanctionnées". En Europe, où
siège la Cpi, le Code a saisi le procureur pour que ce dernier initie
une enquête pour vérifier la véracité des faits qui lui sont
communiqués. D'où la terminologie utilisée : "communication" et non
"plainte".
Rappelons que cette demande d'ouverture d'une enquête
contre le chef de l'Etat camerounais auprès de la Cpi intervient après
la saisine le mois dernier par Célestin Bedzigui, du secrétaire général
des Nations unies d'une pétition aux fins de constitution d'une
commission d'enquête internationale sur les évènements de février 2008.
Elle survient également après la plainte (classée sans suite) du Comité
camerounais de la diaspora (Ccd) contre Paul Biya devant la justice
française pour "recel de détournements de fonds". Le Rdpc, par la voix
de son secrétaire général avait alors, à chaque fois, énergiquement
répliqué.
Georges Alain Boyomo